• Premier Extrait.


    Mon tout premier extrait, mes tous premiers petits mots...
    1082 après deux heures... C'est vraiment peu.
    J'espère que demain, j'avancerai bien plus!



    -

     Rouen - Jeudi Six Novembre - An Deux-Mille-Huit - Trois heures et trentre neuf minutes précisément.

     

    Je ne dors pas, non, toujours pas. 

    Je m'échine à essayer d'écrire quelques mots censés sur la page blanche, immaculée, si tristement vide, qu'affiche mon vieux carnet. 

    J'ai l'esprit qui fourmille de mille et unes idées, et pourtant, pas une ne trouve sens. 

    Rouen semble calme, belle endormie abritant de ses bras ruelles sombres et encore humides de la douce pluie d'un soir chagrin, quelques étranges bestioles, et, là haut bien au chaud dans ses vieilles maisons médiévales aux colombages multicolores, humains et rêves. 

    Mon navire, la pensée libre, approche et vient me prendre pour quelque voyage impromptu au cœur des songes éveillés... 

    Je le laisse m'emporter au loin, glissant au creux d'un flot murmurant l'immensité des univers...

    ***

    - Au même moment, et pourtant, au cœur d'un Rouen d'un autre temps, d'une autre dimension, Oni s'éveille... Une fois de plus, douloureusement, la pauvre enfant!

    « Bham! »

    « Aïeuuh... »

    D'une petite voix fluette aux accents cristallins, encore toute ensommeillée, Oni râle, et frotte en grimaçant son flanc endolori tout en scrutant d'un air hagard sa couche aménagée au creux d'une lanterne finement ouvragée, aux dorures d'une précision remarquable (une œuvre de gobelin, indéniablement!), de laquelle, hasard ou fatalité, elle aura une fois de plus fini par dégringoler, emportée qu'elle l'était au cœur d'un rêve tumultueux.

    D'un geste distrait, agacée, elle époussète vite fait ses longues ailes chitineuses dont les reflets nacrés, aux vives arabesques, jouent sans jamais se lasser à capturer deci-delà les pâles rayons de Dame Lune.

    « Hummph... Je devrai l'envoyer valser, se perdre au loin, cette foutue lanterne! ».

    Oni, petite fée boudeuse, d'un œil paresseux, scrutait les cieux illuminés au -dessus de Rotomagus, où ça et là, mille étoiles, comètes et autres bolides parsemaient la voûte céleste de leurs lueurs irisées.

    Elle ne pouvait guère la balancer au large, cette lanterne dans laquelle était aménagée sa couche depuis sa naissance, et elle le savait bien, car c'était un présent de Feu Dyonisos de Morne-Loin, son Héros de père, qu'elle n'avait jamais connu.

    Depuis toujours, on racontait tout autour d'elle des légendes en pagaille concernant celui-ci, un pixie sage et érudit au savoir incommensurable, dont les voyages, tous plus périlleux et superbes les uns que les autres, avait fini par l'emporter si loin qu'on ne l'avait jamais revu, de mémoire de dragon!

    Dame Dénolia, sa chère génitrice, que chacun se plaisait à surnommer La Frégate à l'instar des Hauts-Erudits qui lui préférait le doux sobriquet de Fregatidae, en raison de ses longues ailes irisées dont les couleurs nacrées rappelaient la parure des paons et de par son fin cou blanc à la peau laiteuse, n'était point de celles qui s'en offusqueraient. Bien au contraire, elle se plaisait à enjoliver ces fabuleuses rumeurs – Gaïa sait ô combien le Petit Peuple est enclin aux bavardages - montrant ça et là présents ramenés par son tendre époux de pays inimaginables et inconnus.

    La sublissime lanterne, œuvre d'art de facture unique, disait-elle, en était le plus pur joyau, spécialement commandée par Sieur Dyonisos pour la naissance à venir de la petite Oni, et dont le transport jusqu'aux palais de Rotomagus depuis la Perse lointaine aurait été en lui-même une fantasque aventure.

    Combien de fois, bâillant aux corneilles, Oni avait-elle du entendre, écouter, et entendre à nouveau le formidable voyage à dos de Dragon au-dessus des océans enragés, alors que fougueusement convoitée, on tentait par mille subterfuges de dérober la Chose, bravant pour atteindre sa destination périples et infamies de toutes sortes!

    Comme elle était lasse, chaque fois, de devoir feindre l'émerveillement et l'incommensurable fierté d'avoir ainsi été choyée et privilégiée avant même sa venue au monde! Mais Dénolia, la Frégate, n'arborait pas seulement les teintes mirifiantes du superbe paon, elle en avait aussi la vanité, et l'étiquette, les convenances, devaient toujours être minutieusement respectées et appliquées, sous peine de souffrir la fougue et le courroux de cette impétueuse Dame de la Cour Magique.

    De plus, vérité ou pieux mensonge tissé depuis l'aube des temps pour apprendre aux enfants la valeur des biens matériels, il était connu de tout un chacun qu'un présent d'une telle valeur, par l'application, la ferveur et l'énergie qu'y avait mis son créateur, et parfois même une intention particulière, restait pour jamais sous l'influence d'un puissant enchantement, de ceux que même les plus Savants ne sauraient en rien défaire. Cette énergie tellurique qui émanait des artefacts de haute manufacture liait alors pour toujours le destinataire à son bien, une fois qu'il était entré en sa possession, il s'opérait un lien cosmique entre l'âme et la matière, que même une Mort définitive et irrémédiable ne briserait en rien.

     

    Oni n'avait pas toujours eu en elle cette folle et irréalisable envie de se séparer du dit-objet. Elle exécrait les fioritures qu'étalait autour de lui sa vaniteuse mère, mais elle en aimait la magnificence, la délicatesse et le confort, et aussi, le fait que, bien que depuis longtemps disparu on ne sait où, aux tréfonds de l'Univers qui sait, son père peut-être, l'avait aimée.

    Cependant, cela faisait déjà bientôt deux lunes que chaque nuit, au creux du même décan horaire, la petite fée voyait son sommeil peuplé de rêves étranges issus d'on ne sait où, émanés d'on ne sait quel esprit errant, jusqu'à cet instant fort désagréable où ses petites fesses dodues rencontraient une nouvelle fois le parquet luisant minutieusement entretenu, lors d'un rendez-vous nocturne quotidien dont elles se seraient pourtant aisément passé, tirant alors violemment de ses songes la jeune Damoiselle, comme propulsée hors de sa tendre couche par un zéphyr colérique, à Trois heures et trente neuf minutes, précisément...

    ***

    • Rouen – Jeudi Six Novembre - An Deux-Mille-Huit - Cinq heures et quarante et unes minutes.

     

    J'aurai longuement rêvassé cette nuit, laissé aller mes pensées en d'inépuisables divagations au creux desquelles, peut-être, un esprit autre que le mien n'aurait trouvé un certain repos, quelque sérénité, une douce évasion, tandis que je ressens pleinement ces émotions fugitives, pouvant à présent me laisser emporter par un sommeil sans songe.

    Ma plume aura tracé, sans même que j'en ai conscience, quelques lettres ici et là, dansant entre elles l'enivrante transe qui mène au langage, à l' imagination, à une histoire nouvelle, parmi tant d'autres, mais qui, quoiqu'il advienne, restera mienne.

    La ville s'éveille doucement, l'aube commence à poindre, et les bruits rituels des passants matinaux ne seront pour moi, une nouvelle fois, qu'une étrange berceuse urbaine.



    Lully. ©


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