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Improvisation.
Une nouvelle improvisation par écran interposé. (Nouvelle est un bien grand mot, car cela date d'il y a quelques années, m'enfin!).
Un échange de plus, des mots tels qu'ils viennent, lorsqu'on les laisse aller à leur guise.Improvisation.
Lully. / Julien.
C'était un après-midi d'automne comme les autres... Les
passants avaient l'air de flâner sur la place du canal, l'eau
ondoyait calmement au gré du vent. Moi je marchais
tranquille, vers l'autre bout de la ville, où j'avais rendez-vous.
Un rendez-vous pour lequel je balisais déjà...En effet, j'avais
absolument besoin de trouver un travail, mes affaires étant
au plus mal...mais ce travail était pour moi la représentation
de l'échec, la représentation de la bassesse...Je savais que
MOI, je valais mieux que ça...Alors, j'y allais, le pas traînant,
l'angoisse mordant mes tripes...priant déjà pour rater mon
entretien...
Car j'avais besoin de me sentir libre pour une fois. Ne pas
m'enchainer a nouveau a des impératifs que je ne maitrise pas et
que, de toute façon, je ne souhaite pas maitriser. N’avoir besoin de
rien d'autre que l'air que je respire pour vivre, et la terre que je foule
pour partir. Je m'arrête. Je ne suis pas tenue d'y aller. Je me retourne.
Partant dans la direction opposée avec un pas plus léger. Je suis libre
et le néant qui a ce moment précis de ma vie me tendait les bras me
rendait presque heureuse. L'aventure, voila ce qu'il me manquait
pour me sentir vivre. Un bus passe. Il s'arrête un peu plus loin. Je
cours, laissant tomber mon sac. Je monte et demande au chauffeur
où il va.
N'écoutant même pas sa réponse, je fouille mon portefeuille,
attrape mon dernier billet et le lui tend..."Un ticket s'il vous
plait".
Je me faufile jusqu'au fond du car...C'est un de ces cars de
voyages mal entretenus, de ces vieux engins baroudeurs qui
ont servis à aller visiter probablement les pires trous du
monde où presque personne ne va...Personne, ou des gens
comme moi, sans histoire, sans attaches...Je me sens bien...Je
sens ma respiration s'apaiser. Je glisse ma main gauche au
fond de la poche de mon blouson, farfouille pour atteindre le
fond de ma poche trouée jusqu'au bas de la doublure, et en
extirpe difficilement mon walkman tout déglingué...
La pluie commence à tomber sur la vitre...j'y colle ma joue et
laisse défiler un paysage morne mais beau à travers ces
larmes qui ne sont pas les miennes...Où vais-je? Où le vent
portera mes pas...
J'ai envie d'aventure...de ne pas me poser de questions...de
rencontrer des gens improbables, dans des lieux tout autant
improbables...C'est beau l'imprévu!
Non, je me trompe. Ce n'est pas le mot qu'il convient. Je ne cherche
pas l'aventure. Non. Ce que je désiré le plus au monde c'est....du
nouveau. Oui, de quoi casser ce rythme abrutissant qui avilie nos
consciences. Chercher le bout des choses, du monde et des gens pour
enfin trouver l'inattendu, le spontané. Le monde se meurt d'avoir cru
aux beautés préfabriquées.
Nous avons perdu le vrai sens des choses et avons oublié qu'elles
pouvaient être belles sans être dénaturées. Voila ce que je vais faire
!! Voila de quoi, d'un coup, mon néant se remplit !!! Je trouverais
cette beauté élégiaque, où qu'elle soit. Quoi qu'elle soit !! Et quand je
l'aurais, je montrerai au monde toute sa grandeur : quand je dis
grandeur, il faut bien sur comprendre vanité.
Au rythme de mes pérégrinations intérieures, je ne me
rendais pas compte que déjà j'étais loin de chez moi, loin de
ce que je connaissais, loin de moi-même déjà, en direction de
l'inconnu...Je savais seulement que je venais de me découvrir
un but, une quête...Quête irréalisable? Peut-être...mais c'était
MA quête!! Et seul cela comptait...Isolée dans mes rêveries,
j'imaginais déjà des temples perdus au fond de jungles
hostiles, qui ouvriraient leurs portes pour moi seule, me
laissant le don et privilège de marquer en moi, comme un
tatouage au fer blanc, cette beauté perdue et inviolée...
J'imaginais des peuples inconnus du plus grand des
anthropologues, que je découvrirais au hasard des chemins,
et qui s'offriraient à la vie comme personne n'aurait même
osé le rêver, sans pudeur aucune, détenteurs de vérité et
sachant décupler leurs sens et leur nature...Je me voyais déjà,
initiée par eux aux délices de la chair, aux délices de l'orgie,
aux délices de la non-retenue...
Mais une voix me rappela soudain à la réalité : "Hey ma
P’tite dame, c'est l'terminus!"
La première envie que j'eus fut de sauter a la gorge de cet homme,
non pas pour exercer une violence inutile mais parce que je n'étais
pas encore dans mon état normal, toute bouleversée par ce que
j'avais vu....non, rêvé........ Lapsus révélateur. En me levant le plus
dignement possible pour ne pas laisser transparaitre mon état d'être,
je partis vers l'avant du bus
en tentant de reprendre mes esprits. J’étais profondément troublé
par ce rêve, cette vision.
Je n'avais pas pu imaginer tout ça....
En même temps je ne pouvais me convaincre que j'avais réellement
vu et fais tout ça. Ma formation de comptable rationaliste et
rationalisante me l'interdisait. Et pourtant je voulais y croire...
Lully. ©
Tags : moi, avais, monde, sans, improvisation
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Commentaires
En fait, j'ai souvent expérimenté l'impro et/ou le cadavre exquis avec quelques amis, et j'ai remarqué que certaines plumes se mariaient à merveille quand d'autres avaient tendance à se repousser l'une l'autre, comme une réaction magnétique.
Ici, c'est encore différent, un vocabulaire et un style d'écriture assez proches mais des idées bien disparates!
En tous cas, c'est toujours un exercice agréable, qui peut révéler bien des surprises!
Je serai ravie de lire cet article sur le travail si tu l'écris, et je suis sûre qu'il risque de me plaire fortement, d'autant plus si tu n'en fais pas l'apologie :p
Je n'ai pas encore lu la suite des portes, mille excuses! Non pas par manque d'envie, bien loin de là, mais mon esprit a été absorbé par d'autres considérations bien moins agréables ces derniers jours, et je préfère être entière à ma lecture, alors j'attends de m'être un peu vidé la tête.
A bientôt Ami Loup! :)Ouf ! C'est très égoïste mais cela me rassure. J'ai cru un instant (une longue journée pour tout dire) que quelque chose avait pu te froisser dans mon commentaire.
J'espère que tu parviens malgré tout à garder la distance vis-à-vis de tes problèmes, qu'ils ne t'absorbent pas au point de ne voir plus qu'eux.
Par contre j'admire ta capacité à attendre d'être vraiment dans l'esprit pour lire. Je souhaiterais pouvoir appliquer ce principe, mais bien souvent mon impatience est trop grande et je lis sans lire, comme si je mangeais sans déguster ni apprécier (cette maudite peur de manquer de temps, et surtout d'énergie...).
Je n'étais d'ailleurs pas sûr de mon bla-bla sur le travail au moment où je l'ai écris, j'avais l'impression d'être en indélicatesse avec l'essence de ton texte (c'est un peu compliqué et confus). En fait j'en suis toujours plus ou moins sûr, j'ai touché à côté.
Bon passons là-dessus (désolé ^^, non je n'ai pas bu, pourquoi ?).
J'ignore totalement si cet article dont je parlais sera écrit dans une heure, un an ou bien jamais.
Eclaire-moi.
Quel sont exactement les principes du "cadavre exquis" ?
La première fois que j'ai vu cette expression, j'ai cru qu'il s'agissait d'une histoire morbide (genre pour lequel j'ai fort peu d'attirance), mais apparemment ce n'est heureusement pas du tout le cas.
(c'est terrible, moi aussi j'ai fait littéraire... mais je crois que je ne devais pas être très réveillé ces années-là).
Ah, mais je vois plus bas que tu laisses entrevoir quelques explications. Mais dis-moi au moins pourquoi ce nom étrange ?
... Mes commentaires sont interminablement longs, j'espère que cela ne découragera personne d'en écrire d'autres :/...Bien loin de moi l'idée de bouder un commentaire, quelqu'il soit, encore moins une critique lorsqu'elle est constructive. Non, vraiment.
Je suis désolée que tu t'en sois inquiété, mais parfois, j'ai besoin de laisser les mots qui me sont adressés décanter dans un coin de ma tête, surtout lorsqu'ils sont riches en idées et que j'ai peur de répondre à côté.
Alors je laisse tout cela de côté un petit moment, et lorsque j'y reviens je vois clairement comment reprendre l'échange. D'autres fois, je réponds du tac au tac, je peux me laisser emporter dans un échange direct, mais pas toujours, alors ne t'en fais pas, cela arrivera encore parfois!
Je ne pense pas que tu aies été "à côté" en mettant en relief quelques idées sur le monde du travail dans ton intervention, c'est juste que sur le coup, tu as exploré des pistes auxquelles je n'avais jamais pensé. En fait, il est rare que je m'arrête à réfléchir sur un exercice de ce genre. Comme ils sont généralement de totales improvisations, je vais rarement explorer en contre-fond, j'ai plutôt tendance à me laisser imprégner par cet échange d'un instant, sa musicalité parfois, ses incohérences aussi, mais je ne crois pas avoir déjà cherché à interpréter le sens dissout en toile de fond. C'est une erreur sans doute, il y aurait sûrement beaucoup à découvrir et apprendre, de l'un ou l'autre des protagonistes/auteurs.
Mais bref, je n'ai pas réussi à trouver de pistes de réponses valables à mettre en lien avec les tiennes, alors j'ai préféré ne pas m'attarder, car je n'aime pas répondre pour répondre si mes paroles n'ont pas de substance, ç'aurait été un manque de respect envers toi, et je ne l'aurai pas permis.
Hehe, je ne crois pas avoir jamais évoqué le concept du cadavre exquis en cours de littérature. C'est sans doute dommage d'ailleurs, un prof intelligent et passionné ne devrait pas hésiter à proposer parfois ce genre d'exercice qui je pense, est un révélateur de créativité. Le principe, en fait, est très simple. Je crois qu'il est d'abord né en dessin. Une personne commence à dessiner quelque chose de son choix, n'importe quoi, sur une feuille de papier, et replie le papier, ne laissant dépasser que quelques traits pour le prochain dessinateur, et ainsi de suite. A la fin, on déplie la feuille, et l'on découvre ce que cela a donné!
C'est le même principe en littérature. L'un commence à écrire, quelques phrases, quelques mots, quelques lignes, selon les règles choisies (aucune n'est imposée), replie le papier sur son passage, ne laissant dépasser qu'un mot ou deux, tandis que quelqu'un prend sa suite, en devant utiliser ce qu'on lui aura laissé. On peut écrire sur un thème choisi, un style, ou laisser libre court à une totale liberté.
Voilà, en gros!
Il y a un album musical qui est sorti sur ce même principe, j'ai toujours eu envie de l'entendre mais ne l'ai jusqu'alors pas encore trouvé!
Tes commentaires ne sont guère interminables, ils me donnent toujours un grand plaisir et beaucoup de matière à réflexion. J'adore ça! :)J'ai oublié : Je ne sais pas d'où vient ce nom étrange, mais j'avoue que j'aimerai bien le savoir. Je m'en vais de ce pas faire quelques recherches! :)
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C'est vrai que certaines fois, au bout du second ou troisième bus raté, et constatant ô combien le destin m'encourageait à y aller, je ne me suis jamais senti mieux que lorsque j'ai abandonné l'idée d'aller voir un éventuel employeur... Quelle délivrance quand je me suis dit "assez, ne forçons pas les choses et laissons tomber de splendides perspectives professionnelles".
Mais malheureusement, comme pour la morale de cette histoire (et malgré l'ultime tentative de ton "alter" locuteur pour tenter de se prouver le contraire) l'autre chemin ne menait qu'à ma propre porte et à la case départ, et non en d'impossibles et oniriques (euh ici plutôt passionnelles d'ailleurs) contrées...
J'ai confusément envie d'écrire un article au sujet du travail (et du temps qu'on y perd surtout), et je sens que cela ne sera sûrement pas pour en faire l'apologie!